Vous avez sûrement vu et peut-être partagé sur les différents réseaux sociaux, cette image reprenant l’évolution des logos des principales marques de luxe. Évolution ? ou simplification et uniformisation…
De très nombreuses critiques, parfois virulentes ont accompagnées ces partages. Mais pourquoi des marques si expertes et si bien conseillées en marketing et communication ont fait ce choix ? Peut-on y voir, comme le dit Dominique Trudeau – dans son billet « L’art subtil du logo sans sérif »1, une démarche axée sur l’utilisateur, le nom suffit, facile à reproduire, fonctionnel, adaptable aux plateformes numériques.
Alors quoi ! exit, l’émotion, la complexité, la beauté ?
Le « No Logo » ou « la marque verbale »
Ou est-ce, dans notre monde globalisé, un désir de neutralité, d’effacement de leurs ADN, sans distinctions visuelles, une image uniformisée pouvant parler à tous. Mais n’est-il pas paradoxale que des sociétés si créatives en matières vestimentaires, avec des choix artistiques forts, donnent une image si peu innovante et créative de leur marque.
Dans le blog de Grapheine 2, on revient sur l’évolution du logo de Calvin Klein et l’arrivée du couturier belge Raf Simons à la tête de la création de la Haute Couture. C’est lui qui a proposé un nouveau logo à Peter Saville, le directeur artistique et auteur de cette nouvelle identité.
Ne faut-il pas chercher la réponse à notre question initiale de ce côté là ?
Et on enterrera l’héritage
On apprend sur le site spécialisé en mode Hyperbeast 3 que le rebranding associé à l’arrivée d’un nouveau directeur artistique n’est pas nouveau. Déjà en 2012, le « Yves » de Yves Saint Laurent avait disparu sous l’impulsion du fraichement arrivé Hedi Slimane. Et depuis la liste s’est allongée, Galliano avec la Maison Martin Margiela, Raf Simons et CK. Plus récemment, Demna Gvasalia et Ricardo Tisci ont fait de même avec Balenciaga et Burberry. Ne serait ce pas l’envie de s’affranchir d’un héritage trop lourd, souvent légué par le fondateur. La possibilité pour ces nouveaux arrivants de s’approprier ces prestigieuses signatures. On gomme donc l’héritage pour une marque globale, nouveau terrain de jeu du designer. Mais ces changements typographiques ont également des fins beaucoup plus commerciales.
Toujours dans Hyperbeast, Michel Goldstein, professeur au College of Art and Design R.I.T suspecte que l’idée derrière ces designs soit de pouvoir utiliser le logo sur n’importe quel contenant. Cela offre une flexibilité maximum à ces marques qui sont capables d’en changer le sens “quand elles veulent, où elles veulent”. Car l’important pour ces maisons de luxe, n’est-il pas de vendre accessoires, t-shirts et autres sweat à capuches, principales sources de revenus. L’utilisation du sans-serif plus épuré, rend la marque plus lisible et le logo utilisable sur n’importe quelle casquette.
En attendant la suite
Le logo s’efface donc au profit du nom et laisse la place aux nouveaux créateurs. Libre à eux d’écrire une nouvelle page de l’histoire de la marque tout en répondant aux standards commerciaux actuels… Mais le risque n’est-il pas de vivre dans un monde lisse, sans âme et sans émotion, de perdre un peu d’histoire, de gommer les aspérités. Et pour nous, graphiste et directeur artistique, comment donner du sens quand il faut parler au plus grand nombre. Comment garder un parti-pris fort quand la demande nous pousse vers l’uniformisation. Ce sont toutes les questions auxquelles il faudra répondre dans les prochains mois, en n’oubliant jamais que derrière chaque logo se trouve également des hommes et des femmes qui font les valeurs de cette marque.
1. infopresse.com/opinion/dominique-trudeau/2019/2/7/l-art-subtil-du-logo-sans-serif 2. grapheine.com/actulogo/nouveau-logo-calvin-klein 3. hypebeast.com/fr/2018/9/burberry-balenciaga-celine-calvin-klein-logo